La « justice » de l’Utah donne au condamné à mort le choix entre la corde et le fusil. En tant que prisonnier de la guerre de classe, Hill répondit au juge : « Je choisis les balles. J’en ai l’habitude. On m’a tiré dessus déjà plusieurs fois dans le passé et je pense pouvoir encore y faire face. » [G. Smith, Op. cit., 1969, p. 102]
Le 19 novembre 1915, à l’aurore, un peloton d’exécution de cinq hommes s’aligna dans la cour de la prison d’État. Dans leur ligne de mire : Joe Hill, attaché sur une chaise, les yeux bandés, une cible en papier sur la poitrine. Il avait refusé l’offre d’une piqûre de morphine ou d’un coup de whisky que lui avait faite le médecin de la prison. « Non, dit-il, je n’en ai jamais pris, et je n’ai pas l’intention de m’y mettre maintenant » [Z. Modesto, art. cit., 1962, p. 11].
Selon les lois de l’État, un condamné à mort peut proposer à des amis d’assister à son exécution, et le gardien assura à Hill qu’il serait autorisé à le faire. Il invita donc les fellow workers Ed Rowan, George Child et Fred Ritter. Mais quand ils arrivèrent à la prison, le gardien les renvoya en prétendant que Hill ne voulait pas les voir. Personne ne prévint Hill, les yeux bandés, que ses amis n’étaient pas là. Quatre fois il leur cria au revoir, et leur silence en retour dut le pétrifier. Jusqu’à la dernière seconde, les autorités de l’Utah s’obstinèrent dans leur attitude mensongère, hypocrite et gratuitement cruelle.
Le représentant de l’État chargé de l’exécution hurla « À vos armes !... En joue !... » mais ce fut Hill qui, le sourire aux lèvres, cria « Feu ! » Les cinq hommes appuyèrent sur leur détente et prirent la vie du plus aimé des poètes IWW. La mort du matricule 3256 fut prononcée à 7 heures 42 du matin, selon le certificat de décès. Les bourreaux de Joe Hill reçurent vingt dollars chacun pour service rendu à l’Utah.
L’International Socialist Review publia en janvier 1916 ce poème de John Waring :
Questioned, the ExecutionersWhat did you buy with your forty pieces,Any one of you five?Something to wear for child or wife?Release from a gambling debt?Christmas money, perhapsA gaud for a sweetheart girl?Whiskey to make you forget?Plenty of hire like yours,Hiding in little tills;Still it’s seldom one puts one’s finger on itSaying : “for this blood spills.”This seems special, and so we ask,Idly —a passing thought—What did you do with your forty pieces?What was it that you bought?This we know not ; but what well we know,Things that you cannot buy,A pillow of ease for your head at night,A look in a straight man eye,A pleasant thought when you walk alone,Or peace when you come to die.
Questions aux bourreauxQu’avez-vous acheté avec vos quarante sous,Chacun d’entre vous ?De quoi habiller femme ou enfant ?Le règlement d’une dette de jeu ?Des étrennes de Noël, ou peut-êtreQuelque babiole pour une belle ?Du whisky pour oublier ?Beaucoup de soldes comme les vôtresSe cachent dans de petits coffres ;Il est toujours rare qu’on les pointe du doigtEn disant : « Pour ceci du sang a coulé. »Ça paraît déplacé, donc nous demandons,Négligemment — au passage —Qu’avez-vous fait de vos quarante sous ?Qu’avez-vous donc acheté ?On ne le saura pas ; mais ce que nous savons bien,C’est ce que vous ne pouvez pas vous payer :Un coussin de sérénité sous votre tête la nuit,Un regard dans les yeux d’un homme intègre,Une pensée douce quand vous marchez seul,Ou la paix pour vos derniers instants.